À Mouscron, Pignon sur Rue, l'infatigable livreur à vélo, pose un constat amer: "Je n'ai quasiment plus aucun client"
En 2018, Stéphane Vanbraband a fondé “Pignon sur Rue”. Le Mouscronnois livre des colis au guidon de son vélo-cargo. Après six ans d’activité, il porte un regard nuancé sur la livraison “à énergie renouvelable”.
- Publié le 26-04-2024 à 13h02
- Mis à jour le 26-04-2024 à 15h54
”Je n’ai quasiment plus aucun client hormis La Ruche qui dit Oui, avec qui je collabore tous les jeudis”, avoue Stéphane Vanbraband. Architecte à la retraite depuis quelques mois, le Mouscronnois poursuit “Pignon sur Rue”, son service de livraison à vélo qu’il a fondé en 2018. Son activité a eu quelques beaux partenariats ces dernières années (De Ranke, Storme, cinéma For&Ver) mais aujourd’hui, c’est morne plaine et vent de face.
Les vents contraires souffleraient-ils plus fort à Mouscron qu’ailleurs ? “À Bruxelles, Gand ou Liège, les coursiers ont du boulot. Les livraisons à vélo fonctionnent bien. Même à Deinze, dans une ville au gabarit presque similaire, le concept fonctionne. J’ai l’impression que Mouscron est en chasse patate. La voiture occupe toujours une place très importante sur nos routes. Son impact est assez lourd sur la circulation.” Un constat de livreur expérimenté, mais aussi de membre du GRACQ (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens), qui a plusieurs fois pointé du doigt les incohérences des voies cyclables hurlues. “Quand j’ai commencé la livraison à vélo, plusieurs clients me sollicitaient parce qu’ils avaient dans leur ADN ce concept de laisser la voiture de côté. J’espérais un moment que Pignon sur Rue se développe. Quand je me suis lancé, j’étais novice sur la cyclo-logistique, mais je roule à vélo depuis le début des années 2000.”
Stéphane a vu la politique cyclable évoluer. En 2024, le vélo a un peu plus de place sur la voie publique. Pour l’adaptation au vélo-cargo, il faut encore patienter. “J’utilise le terme chasse patate parce que la Ville de Mouscron était en retard. Un retard qu’elle essaye de combler. Elle dispose du label cyclable et des aménagements se font, mais elle a d’autres leviers pour accélérer le processus. Adapter le réseau aux vélos classiques et à l’usage familial peut aller de pair avec un aménagement pour les vélos-cargos. Ces bicyclettes ont, par exemple, plus de mal à passer les chicanes”, expose le Mouscronnois.
”Un vélo-cargo de 25 kg peut prendre un chargement de 100 kg”
Stéphane Vanbraband a épluché le dernier Plan Communal de Mobilité, auquel le GRACQ a participé. Une phrase a retenu toute son attention. Celle qui stipule que la Ville de Mouscron veut “ouvrir la réflexion sur la possibilité de guider les transports de marchandises vers des transports durables.” La place du vélo passe aussi par une prise de conscience. “25 % des livraisons peuvent se faire avec un vélo-cargo. Une bicyclette comme la mienne pèse 25 kg et peut transporter jusqu’à 100kg, soit quatre fois son poids. Je connais même des entreprises de déménagement qui utilise le vélo.”
Quant à ceux qui évoquent le cercle restreint des grandes villes, Deinze est le contre-exemple parfait. Un modèle à calquer en Wallonie, désormais. Quant à l’avenir de Pignon sur Rue, le Mouscronnois confie un relatif découragement. “J’ai 64 ans, je suis pensionné depuis peu. Je continue les livraisons pour le moment, mais pas pour des années. En fait, je persiste par passion et pour montrer que le vélo-cargo existe et qu’il est une alternative viable. Il y a un peu de déception de voir que ce mode de livraison ne s’est pas développé davantage mais rien n’est figé. Au plus on mettra des contraintes à l’usage de la voiture et des camions et camionnettes pour les livraisons dans le tissu urbain, au plus on se tournera vers la cyclo-logistique. D’autant que le transport classique continue de perdre en efficacité. Je continue à y croire et j’espère que les générations à venir prendront plus au sérieux le vélo-cargo et la livraison à bicyclette.” Pour que le vent tourne et soit en poupe derrière la pratique que Stéphane a lancé à Mouscron, il y a déjà six ans.